Guerre des mots au sommet de l’Etat sur une menace islamiste en Turquie

Publié le par Famagouste

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’est engagé il y a deux semaines dans une guerre de mots avec le chef de l’Etat qui a accusé son gouvernement de vouloir islamiser les cadres de l’Etat laïque.

"Dans ce pays des gens pieux ont aussi le droit de faire de la politique (...) vous ne pouvez pas les en empêcher (...) Personne ne peut nous faire une leçon sur l’intégrisme", a dit M. Erdogan, un conservateur musulman, samedi 15 avril lors d’une réunion de patrons musulmans à Istanbul.

Visiblement irrité par des déclarations faites par Ahmet Necdet Sezer sur un risque de dérive islamiste, M. Erdogan lui a répondu : "Si vous voulez éloigner les croyants de la (vie) politique, ce peuple ne vous le pardonnera pas".

Mercredi 12 avril devant un parterre de militaires à l’académie de guerre d’Istanbul, M. Sezer mettait en garde le gouvernement de M. Erdogan : "La menace intégriste a atteint un niveau alarmant".

Il a affirmé que les cadres islamistes "tentent de s’infiltrer dans l’appareil étatique" et "oeuvrent systématiquement à effriter les valeurs républicaines fondamentales".

M. Erdogan, dont le parti de la Justice et du Développement (AKP) est arrivé au pouvoir en 2002, à la surprise générale, est un ancien islamiste qui renie aujourd’hui son passé, préférant se qualifier de "conservateur démocrate".

Comme beaucoup de ses collègues, il est issu d’une école religieuse et sa femme, à l’instar de la majorité des ministres, porte le foulard islamique.

Ces derniers jours, plusieurs éditorialistes ont appelé le gouvernement à "écouter" les avertissements de M. Sezer, ancien magistrat et farouche défenseur des principes laïques.

Le prédécesseur de M. Sezer, Süleyman Demirel, qui fut plusieurs fois Premier ministre, est également monté au créneau. Il a estimé que "tout le monde doit bien lire ce que dit le président", affirmant que "s’il le dit, ce n’est pas pour rien".

Depuis des années, bien avant même l’arrivée de l’AKP au pouvoir à la faveur d’élections législatives, les craintes d’"islamisation" de la fonction publique existaient dans le pays où la population est officiellement à 99% musulmane mais où les principes fondateurs de l’Etat sont strictement laïques.

Cependant c’est la première fois dans l’histoire de la Turquie, fondée en 1923, par Mustafa Kemal Atatürk, qui a placé la laïcité à la base de l’Etat, qu’un parti issu de la mouvance islamiste gouverne seul. Plusieurs tentatives de l’AKP de briser ce principe fondateur se sont heurtées à la hiérarchie pro-laïque.

Ainsi l’an dernier, l’AKP, qui est souvent accusé par ses détracteurs de conserver en secret un programme islamiste, avait provoqué un tollé en proposant de lever les restrictions pesant sur l’accès aux universités d’élèves provenant des écoles religieuses, dont est également issu M. Erdogan.

Le projet avait finalement été abandonné.

Le président de la République ayant des prérogatives limitées, le principal contre-pouvoir potentiel contre une éventuelle dé-laïcisation, même partielle, de l’État, reste les forces armées et la haute fonction publique que les milieux islamistes souhaitent infiltrer.

Un commentateur du journal à gros tirage Hürriyet estimait que le gouvernement Erdogan "éloigne" le pays de la laïcité. "Vers où dérive la Turquie (...) aux mains d’un parti arrivé au pouvoir avec 34% des suffrages", se demandait Emin Cölasan.

Nouvelles d'Arménie - www.armenews.com/article.php3?id_article=22113

Publié dans avant.garde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article