Lobbying turc, Ankara et UE, PKK

Publié le par Famagouste

Ankara met les bouchées doubles pour convaincre Paris.
Haro sur la proposition de loi contre le négationnisme ! La Turquie est passée à la vitesse supérieure, avec le 18 mai en ligne de mire. Autorités politiques, députés, milieux économiques, Turcs de la Diaspora française, tous agissent de concert dans un seul et unique but : empêcher l’adoption de la proposition de loi pénalisant les négationnistes du génocide arménien.
Du côté du pouvoir politique, on rappellera l’avertissement lancé à la France, mercredi 3 mai, par le ministère des Affaires étrangères. « Durant nos rencontres (avec des officiels français), a déclaré son porte-parole Namik Tan, nous soulignons que l’adoption de la proposition de loi pourrait entraîner des dommages irréparables dans les relations franco-turques, et que cela ne doit pas être permis. » Il a ajouté qu’Ankara et le gouvernement français faisaient « tout leur possible » pour bloquer l’adoption de la proposition de loi.
Sur le terrain diplomatique, Ankara a également rappelé le week-end dernier les ambassadeurs de Turquie au Canada et en France, respectivement Aydemir Erman et Osman Korotürk, pour « des consultations sur les derniers développements », comme l’a indiqué le ministère turc des Affaires étrangères.
De son côté, le président du Parlement turc, Bülent Arinç, en visite en Suède, a annoncé dimanche 7 mai, selon Hürriyet, qu’une délégation de quatre parlementaires turcs allait se rendre en France, dans les jours qui viennent, pour convaincre leurs homologues français de ne pas adopter le 18 mai prochain la proposition de loi contre le négationnisme anti-arménien.
Le message des autorités politiques a été relayé par les représentants du monde économique, qui ont joué leur partition, en lançant un « appel à nos amis français », sous forme d’une page achetée dans le quotidien Le Parisien du 5 mai. Objectif : rappeler à la France, notamment à travers la polémique sur le rôle positif de la colonisation, que « ce n’est pas à la loi d’écrire l’histoire ». Les signataires (des organisations patronales, syndicales et économiques) ont mis l’accent sur le fait que la Turquie est disposée à créer une commission mixte d’historiens turcs et arméniens pour examiner les événements de 1915, et ils appellent la France à « soutenir la mise en œuvre de cette proposition ».
En France même, il semblerait que la Diaspora turque ait décidé de s’activer, sommée par l’Etat turc de partir en croisade contre la proposition de loi du 18 mai prochain. Selon le Turkish Daily News, les principaux représentants des organisations turques de France se sont réunis à Paris le jour même du rappel des ambassadeurs en poste au Canada et en France, pour « accélérer leurs efforts de lobbying dans le cadre d’une plate-forme commune ». Akif Gülle, vice-président de l’AKP au pouvoir, qui s’est joint au rassemblement organisé à Paris, a pressé « les Turcs vivant en Europe de jouer un rôle plus actif dans la politique intérieure des pays où ils résident ».
Et ce n’est pas l’attitude des historiens hostiles aux lois mémorielles, qui ont une nouvelle fois entonné leur couplet sur la liberté d’expression, qui risque de réfréner les ardeurs des négationnistes turcs téléguidés par Ankara. Le Turkish Daily News souligne en effet qu’un groupe d’historiens, qui avaient demandé à la fin 2005, dans une pétition intitulée “ Liberté pour l’Histoire ”, l’abrogation de la loi du 29 janvier 2001 portant reconnaissance du génocide arménien, se disent aujourd’hui « profondément choqués » par la proposition de loi contre le négationnisme, qui prendrait « en otage les professeurs d’histoire ». Hürriyet cite plusieurs de ces historiens : Jean-Pierre Azéma, Elisabeth Badinter, Marc Ferro, Jacques Julliard, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet.
Les chroniqueurs de la presse turque, eux aussi, y sont allés de leurs commentaires. Le Turkish Daily News a accordé une assez large place, cette semaine, à la question de la pénalisation du négationnisme anti-arménien. Plusieurs articles sont parus dans la rubrique “ Opinions ” du journal.
Mehmet Ali Birand, d’abord, n’arrive pas à y croire : « La France risque de se mettre à dos la Turquie simplement pour quelques voix arméniennes, mais personne à Paris ne semble conscient de la gravité de la menace. (…) L’ambassade de France à Ankara avertit secrètement Paris. Cependant, les 400 000 voix des Arméniens de France sont plus attractives aujourd’hui pour les politiciens français. » Et notamment pour le Parti Socialiste, que le journaliste turc accuse « d’essayer d’obtenir au moins une partie des 400 000 voix des Arméniens, à mesure qu’approche l’élection présidentielle de 2007 ».
Birand ironise ensuite sur la classe politique française dans son ensemble. « Nous avons l’habitude, dit-il, de critiquer nos politiciens pour leur manque de clairvoyance. Mais il apparaît qu’ils sont bien au-dessus de leurs homologues français. De l’avis même d’un parlementaire français : “ Il n’y a plus de leaders en France ; il n’y a que des politiciens à l’esprit étroit, qui ne sont intéressés que par de petits bénéfices ”. »
Quant aux Arméniens, ils surfent bien sur la vague actuelle, selon Birand. « Ils exploitent les élections et les mouvements d’opinion contre l’extension de l’Union européenne et l’islam. Ceux qui empêchent la Turquie de progresser sur la route de l’adhésion à l’Union européenne, et spécialement ceux qui veulent prendre le train anti-islamique en marche soutiennent la proposition de loi. En résumé, le vent souffle en faveur des Arméniens. » Et Birand conclut, dépité : « Il apparaît que personne ne se préoccupe des relations avec la Turquie ou des répercussions économiques et politiques de la proposition de loi. La politique française vit une époque décevante. L’absence de leadership ne s’est jamais autant fait sentir. Je me demande si ceux qui gouvernent la France sont vraiment inconscients des dangers ou n’ont que faire de la détérioration des relations avec la Turquie. »
Le lendemain, rebelote dans les mêmes colonnes. Intarissable sur le sujet, Mehmet Ali Birand, visiblement très préoccupé, en appelle cette fois-ci aux hommes d’affaires français pour sauver l’honneur des politiques, dira-t-on, côté turc. Soulignant que 120 sociétés françaises investissent des milliards d’euros en Turquie, Birand appelle les hommes d’affaires turcs et français à « crier à pleins poumons, à l’adresse des parlementaires français, pour les avertir des dangers de leur action ». Le journaliste turc précise que le volume des échanges commerciaux entre la France et la Turquie est proche de 10 milliards d’euros. « La France vend pour 6,3 milliards d’euros à la Turquie, alors que la Turquie, elle, vend pour 3,7 milliards d’euros à la France. »
« Or, pour Birand, la seule chose que la Diaspora arménienne obtiendra, ce sera un sentiment d’autosatisfaction. La France montrera qu’en réalité, elle n’a aucun respect pour la liberté d’expression, et si cette proposition de loi, qui causerait des ravages au sein de l’appareil judiciaire français, devenait une loi, le chemin qui mènerait à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne serait coupé. De plus, la France perdrait son allié le plus fort dans la région. »
Sur le plan économique, les Turcs « boycotteront tout ce qui est français ». Birand prédit que « les deux parties se claqueront mutuellement la porte pour un bon bout de temps. Les pertes se chiffreront en milliards d’euros. La Turquie, les compagnies turques et les travailleurs turcs, aussi, en souffriront ». « Cela vaut-il le coup ?, s’interroge Mehmet Ali Birand. Une telle folie est-elle nécessaire, juste pour satisfaire les Arméniens de France ? ».
Mehmet Ali Birand dresse ensuite ce qu’il appelle en intertitre de son papier « la feuille de route de la proposition de loi arménienne » ; autrement dit, les différentes étapes devant mener en principe, comme en 2001, à la promulgation de la loi par le président de la République.
La proposition de loi, écrit Birand, prévoit « un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour ceux qui disent ou écrivent qu’il n’y a pas eu de génocide ». A ses yeux, « la meilleure des choses serait que la proposition de loi ne soit pas votée le 18 mai, et soit renvoyée vers une commission parlementaire pour un examen approfondi ». Mais si l’Assemblée nationale l’approuve le 18 mai, elle sera envoyée au Sénat. Si le Sénat fait de même, elle sera soumise à l’approbation de Jacques Chirac, qui aura 15 jours pour promulguer la loi ou la rejeter. Pour Birand, « il est peu probable que Jacques Chirac résiste à la pression exercée par les 400 000 voix arméniennes. Il a toutefois la possibilité d’approuver le texte, avant de l’envoyer au Conseil constitutionnel pour examen ».
« En résumé, note le journaliste turc, rien ne s’achèvera le 18 mai. Une nouvelle et longue période de tension s’ouvrira, marquée par des accusations mutuelles. Les relations bilatérales en seront notablement affectées. Je voudrais à nouveau poser la question : cela vaut-il la peine de causer de tels dégâts pour calmer la Diaspora arménienne ? ».
La France sans véritable leadership, et un Parti Socialiste au centre de toutes les critiques : cela prend presque des airs de rengaine dans la presse turque. Pour Cengiz Aktar, la France, qui vit une période de « fin de règne », ressemble à « un navire qui tangue ». « Personne ne sait qui est à la barre, et il est très difficile de prédire où il se cognera la prochaine fois », écrit l’éditorialiste.
Quant au Parti Socialiste, qui « pourrait revenir au pouvoir l’année prochaine en France, il a décidé soudain de rouvrir le dossier arménien ». Mais pas de quoi s’étonner, pour Cengiz Aktar, puisque les socialistes français « ont toujours eu un “génocide arménien” dans leur politique. Un des anciens ministres de la Défense, Charles Hernu, en était un fervent partisan. Le Parti Socialiste, poursuit-il, qui considère toujours le Parti arménien Dachnak comme un mouvement socialiste ami, a toujours entretenu de bonnes relations avec lui. Aujourd’hui, cette relation, combinée à l’approche naïve de François Hollande, le premier secrétaire du Parti Socialiste, a permis de maintenir le sujet à l’ordre du jour des socialistes ».
Quant à la Diaspora arménienne, que l’éditorialiste juge « sûre d’elle », « elle a exploité et continue d’exploiter avec bonheur la compassion des pays occidentaux dans lesquels elle vit, le sentiment de culpabilité à l’égard de l’Holocauste et les sentiments anti-turcs. La distance qui s’est créée vis-à-vis de l’époque et du lieu où est survenue cette tragédie est devenue une partie de leur identité, et elle affecte directement son attitude. Il est vraiment difficile d’espérer une approche constructive de sa part, ou de discuter de l’état actuel de cette question avec les vrais protagonistes vivant dans cette région. Si ce problème est réglé un jour, il le sera entre les Arméniens de Turquie, l’Arménie et la Turquie. Mais ni en France, ni en Suisse, ni aux Etats-Unis ».
Cengiz Aktar, à l’instar de ce qui se dit ou s’écrit de plus en plus fréquemment en Turquie, épingle ensuite la France sur ce qu’il appelle « la question algérienne ». Après avoir survolé plus d’un siècle de relations franco-algériennes – de « la très dure époque coloniale, qui a démarré avec l’occupation, en 1830 » à l’indépendance –, Cengiz Aktar note que « la France, juste comme la Turquie, refuse de s’interroger sur cette période faite de blessures ». « Chaque fois qu’un officiel algérien ou un intellectuel français prononce un mot contraire à la position officielle, les condamnations suivent, écrit-il. Très récemment, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a créé un véritable tumulte en France, en déclarant : “ Vous avez perpétré un génocide identitaire à notre encontre entre 1830 et 1962. Nous ne pouvons dire si nous sommes arabes, berbères, européens ou français. ” »
Toujours dans le même registre, le quotidien Zaman dénonce ce qu’il considère comme une politique de double standard de la France, en opposant le traitement réservé par Paris à la question du génocide arménien à la manière dont les Algériens – que le journal est allé interroger – perçoivent le rapport de la France à leur histoire. « Les Algériens commémorent le 8 mai depuis des années, écrit Zaman, et appellent à “ la reconnaissance du génocide et à un acte de repentance de la France ”. » Le quotidien fait observer que la France veut « laisser l’histoire aux historiens » dans le dossier algérien, alors qu’elle légifère dans le cas arménien. « L’ombre des massacres d’Algériens planera sur les discussions du 18 mai prochain à l’Assemblée nationale », affirme le quotidien turc.
Zaman donne la parole à des anciens combattants de la guerre d’Algérie et de la Deuxième Guerre mondiale : des crimes commis par la France en Algérie aux promesses d’indépendance faites aux Algériens en cas de contribution à la victoire sur les Nazis, en passant par la loi de 2005 sur les bienfaits du colonialisme, Zaman utilise la question algérienne pour mettre la France au pilori sur la pénalisation du négationnisme anti-arménien.
Seule note discordante dans la presse turque : en réaction aux menaces proférées par le ministère turc des Affaires étrangères à l’égard de la France et du Canada, le quotidien Radikal souligne l’inanité des boycotts, qui n’apporteront « aucun résultat significatif ». Murat Yetkin, l’auteur du papier, se demande pourquoi l’armée turque n’irait pas jusqu’à rompre son partenariat avec le constructeur français Renault, si les menaces de boycott économique et de gel des relations avec le Canada étaient réellement sérieuses. A ce tarif-là, écrit-il en substance, la Turquie « devrait rompre également ses relations avec les Etats-Unis, dans la mesure où 36 Etats reconnaissent le génocide arménien ». « Allons-nous boycotter la Russie, de laquelle nous dépendons pour nos livraisons de gaz ? », s’interroge enfin Murat Yetkin, avec un zeste d’ironie.
Un débat sur le boycott des produits français, qui risque de connaître un pic d’ici au 18 mai, et même de déchaîner les passions au-delà, si l’Assemblée nationale adopte la proposition de loi pénalisant les négationnistes du génocide arménien.

Ankara et l’Union européenne à couteaux tirés sur les réformes politiques.
Affaire de Semdinli, problème kurde, liberté d’expression, etc., etc. : les pommes de discorde ne manquent pas dans le dialogue euro-turc.
Sur le premier sujet, il fallait s’attendre à ce que la suspension du procureur Sarikaya dans l’affaire de Semdinli suscitât des réactions dans les milieux européens. Ferhat Sarikaya a été sanctionné, rappelons-le, pour avoir suspecté le général Büyükanit, commandant en chef des forces armées terrestres, d’avoir formé un gang pour mettre la région du Sud-Est à feu et à sang et saboter les pourparlers d’adhésion à l’Union européenne.
Lors d’une rencontre avec le chef de la diplomatie turque Abdullah Gül, le président de la commission mixte interparlementaire Turquie-Union européenne, le néerlandais Joost Lagendijk, a estimé selon le Turkish Daily News que cette décision de limoger le procureur a conduit beaucoup de gens en Europe à penser que certains sujets étaient étouffés en Turquie.
Abdullah Gül lui a répondu que le processus judiciaire suivait son cours dans la transparence, et que la lumière serait faite en temps utile sur cette affaire. Il a souligné que les relations entre les militaires et les civils s’amélioraient en Turquie, contrairement à certains commentaires faits dans la presse, et a ajouté que le déploiement de troupes turques supplémentaires à la frontière irakienne avait été décidé en concertation étroite avec les autorités civiles.
L’affaire de Semdinli n’est pas le seul point noir évoqué par Joost Lagendijk. Dans un discours prononcé à Ankara à l’occasion de la tenue de la commission mixte interparlementaire Turquie-UE, il a également critiqué l’action judiciaire intentée contre la romancière Perihan Magden, qui risque trois ans de prison pour avoir appelé l’armée à reconnaître le droit aux objecteurs de conscience de refuser d’accomplir leur service militaire obligatoire.
M. Lagendijk a également demandé à la Turquie de consentir davantage d’efforts pour accroître les droits culturels des Kurdes. Prenant acte du démarrage des émissions de radio et de télévision en kurde, il a cependant exprimé son étonnement quant à l’existence de plages horaires relativement limitées, préconisant une solution globale à ce problème.
Plus généralement, la liberté d’expression fait toujours partie des sujets qui fâchent les Européens. Joost Lagendijk a estimé, au détour d’une allusion à l’article 301 du Code pénal, qui sanctionne le délit d’“insulte à l’identité turque”, que la Turquie n’avait accompli « aucun progrès » en la matière.
Le quotidien Radikal est revenu sur les attentes insatisfaites des Européens dans ce domaine. S’appuyant sur le cas de Hrant Dink, dont l’appel a été rejeté dernièrement par la Cour Suprême de Révision, le chef de la Délégation de la Commission européenne en Turquie, Hans-Jörg Kretschmer, a estimé que le gouvernement ne pouvait s’exonérer de ses responsabilités, quand bien même il s’agirait d’une décision de justice. « Si la justice fait défaut à l’intérieur du système, c’est le résultat de la volonté du gouvernement, a-t-il dit. Certaines forces ralentissent le processus de réformes. Le gouvernement ne le voit-il pas ? Si le gouvernement est sérieusement intéressé par les réformes, il doit taper du poing sur la table. »
Dans cet ordre d’idées, M. Kretschmer a évoqué le contenu du prochain “ Rapport sur les Progrès de la Turquie ”, qui fera une large place « à tous les dossiers concernant la liberté d’expression ». Celle-ci est « en danger », a-t-il averti, et sans progrès dans ce domaine, la Turquie « ne pourra pas avancer sur la voie de l’adhésion ».
La réponse d’Ankara n’a pas tardé. Ali Babacan, ministre d’Etat et chef-négociateur de la Turquie pour les pourparlers d’adhésion avec l’UE, n’a pas fait dans la dentelle. « Nous n’avons pas à satisfaire la Commission européenne sur chaque question. Nous fixons notre propre calendrier [concernant le processus de réformes en Turquie] », a-t-il répliqué, selon le Turkish Daily News, lors d’une conférence de presse, à Bruxelles, suivant une réunion des ministres de l’Economie et des Finances des pays de l’UE. A une question sur les ratés de la politique européenne d’Ankara, Ali Babacan a répondu par une autre question : « L’Union européenne nous a-t-elle donné une date pour notre adhésion ? Non. Nous ferons ce que nous devons faire, dans le respect de nos propres intérêts. »
Le mois dernier, rappelle le Turkish Daily News, Abdullah Gül dévoilait le neuvième train des réformes d’harmonisation exigées par les Européens. Mais le très controversé projet de loi anti-terroriste allait apparaître à l’ordre du jour juste après cette annonce, faisant dire aux organisations turques de défense des droits de l’homme que ce projet de loi restreint les libertés.
Une accusation balayée par le gouvernement, qui a estimé que cette loi anti-terroriste créera un climat susceptible de permettre au système judiciaire et aux forces de sécurité de combattre plus efficacement le terrorisme. Commentant ce projet de loi anti-terroriste, Ali Babacan a voulu couper court à tout débat sur le sujet : « Nous ne ferons de concessions ni sur la sécurité ni sur les libertés. »

Le PKK au cœur des relations américano-irako-turco-iraniennes.
Les Etats-Unis ont assuré l’Irak que la Turquie ne serait pas autorisée à mener des opérations transfrontalières contre le PKK sur le territoire irakien. C’est en tout cas ce qu’a affirmé, selon l’agence Doghan, le président irakien Jalal Talabani, faisant référence aux visites le mois dernier en Irak de Condoleezza Rice et Donald Rumsfeld.
Le président irakien avait fait part récemment de sa préoccupation face au déploiement exceptionnel de troupes turques et iraniennes le long de la frontière irakienne. Un déploiement motivé à Ankara par la volonté de prévenir les infiltrations de militants du PKK en Turquie via les montagnes du Kandil, en Irak du Nord, et à Téhéran par le souci de combattre un groupe lié lui aussi au PKK.
Mais selon certaines informations, les troupes turques et iraniennes auraient même déjà mené des opérations transfrontalières en Irak, et ce, malgré les avertissements adressés par Washington, qui avait demandé à Ankara de ne pas mettre en péril l’équilibre précaire qui prévaut en Irak.
Washington, justement, est de nouveau sur la sellette, depuis quelques jours, pour ses liens présumés avec les militants kurdes. Le Turkish Daily News révèle qu’Ari Larijani, le chef-négociateur iranien sur le nucléaire et chef du Conseil national de sécurité iranien, a affirmé que les Etats-Unis menaient des pourparlers secrets avec le PKK dans le nord de l’Irak, et a accusé Washington de manquer de sincérité dans ses relations avec la Turquie. Venant au secours d’Ankara, probablement dans un souci de voir la Turquie renvoyer l’ascenseur à l’Iran dans le dossier du nucléaire, Ari Larijani a déclaré : « Croyez-vous que les Américains sont contre le PKK ? Ils discutent avec eux à Mossoul et à Kirkouk. » M. Larijani a fait observer que les Etats-Unis assuraient la Turquie de leur volonté d’éradiquer les groupes terroristes opérant sur le territoire irakien, pendant qu’ils discutaient avec le PKK, qu’ils désignent eux-mêmes comme une organisation terroriste.
Ferai Tinç, dans Hürriyet, revient sur les « erreurs commises jusqu’à présent », en Irak du Nord, par MM. Barzani et Talabani, qui ont conclu des « alliances à caractère ethnique » avec le PKK. Or, a-t-elle souligné, un haut responsable de l’UPK de M. Talabani a averti vendredi 5 mai le PKK qu’il ne devait pas attaquer les voisins de l’Irak (comprenez la Turquie et l’Iran). « Si vous voulez rester sur cette terre, vous devez obéir à nos règles », a-t-il dit.
Un avertissement qui s’inscrit dans une véritable surenchère verbale, puisque le week-end dernier, Cemil Bayik, au nom du PKK, a souligné depuis le nord de l’Irak que l’organisation kurde serait un partenaire indispensable pour les Kurdes d’Irak en cas de guerre entre les Arabes et les Kurdes pour le contrôle de la ville pétrolière de Kirkouk.
La recomposition des forces en Irak et la politique des Etats-Unis dans la région n’ont décidément pas fini de fragiliser un équilibre des plus précaires.

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