Onur Öymen : « Si l’Europe ne veut pas de nous, la Turquie trouvera son chemin »

Publié le par Famagouste

Onur Öymen, vice-président du Parti républicain turc, fondé par Atatürk et principal parti d’opposition au gouvernement islamiste d’Ankara, évoque dans un entretien au « Temps.ch » les relations de son pays avec l’Union européenne à quelques jours d’une échéance majeure.

Jeudi 23 novembre 2006 14:00

Sylvie Arsever, Ankara

« Lorsqu’il y a un accident de train, les deux trains sont endommagés. » Onur Öymen est le vice-président du Parti républicain, fondé par Atatürk et principal parti d’opposition au gouvernement islamiste d’Ankara. Il fait allusion au risque de « déraillement » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) évoqué par le commissaire à l’Elargissement, Olli Rehn. A quelques jours de la date butoir du 6 décembre au-delà de laquelle l’UE veut voir la Turquie ouvrir ses ports et ses aéroports aux bateaux et aux avions chypriotes, il se montre partisan de la fermeté. Et confiant dans le fait que celle-ci ne mettra pas fin aux discussions : « L’Europe ne peut pas se mettre toute entière à la merci de Chypre. » Car c’est bien l’intransigeance du gouvernement grec de l’île qui bloque tout. Ça et les doutes montants de l’Europe sur sa capacité d’absorber la Turquie.

« Au début, les choses étaient claires. Les pères fondateurs de l’Europe reconnaissaient la contribution de la Turquie, qui est un pays fondateur du Conseil de l’Europe, fait partie de l’OCDE et de l’OTAN. Les choses ont commencé à changer avec l’adhésion de la Grèce et se sont détériorées il y a deux ans. Jusque là, on nous demandait de remplir certaines conditions et en contrepartie, on nous garantissait l’adhésion si nous les remplissions. Nous avons travaillé à remplir ces conditions. On aurait pu faire mieux, peut-être, mais nous avons fait preuve de bonne volonté.

 »En 2004, on nous a dit que quels que soient nos progrès, le processus est « ouvert » : il peut déboucher sur des liens privilégiés plutôt que sur une adhésion. Et dans tous les cas, des limitations pourront être apportées à la libre circulation de la main d’oeuvre turque. Mais un pays qui ne bénéficie pas de la libre circulation n’est pas un pays membre à part entière ! Puis, l’année dernière, la France a annoncé qu’elle soumettrait l’adhésion de nouveaux membres à référendum. »

LeTemps.ch : Que doit faire la Turquie dans ces conditions ?

Onur Öymen : Mon parti est favorable à l’adhésion. Il est prêt à accepter l’acquis communautaire comme l’ont fait les autres pays. Mais il n’est plus disposé à accepter des conditions unilatérales. Si nous arrivons au gouvernement au terme des élections de novembre 2007, nous expliquerons à nos amis européens que nous n’avons pas l’intention de rompre mais qu’on ne peut pas nous traiter comme un pays de troisième classe auquel on peut imposer tout ce qu’on veut ?

Et sur la question de Chypre ?

- On nous a d’abord demandé d’accepter le plan Annan, ce que nous avons fait. Ce plan prévoyait une double souveraineté grecque et turque sur le gouvernement, l’administration et la magistrature. Les Chypriotes grecs l’ont refusé. Maintenant on nous demande d’accepter de facto une souveraineté exclusivement grecque sur toute l’île. L’embargo sur la partie turque de l’île devait être levé. Aujourd’hui, on nous dit que pour lever cet embargo, nous devons d’abord céder les ports de Varosha et de Famagouste. Si nous acceptons, que nous demandera-t-on demain ?

Quelles sont d’après vous les causes de la méfiance européenne ?

- Je me suis renseigné. On m’a dit : « La France, avec 4 à 5 millions de musulmans d’origine maghrébine à intégrer a peur de l’entrée en Europe d’un pays islamiste. » Si c’est le cas, il faut le dire clairement. Et nous expliquerons à notre peuple que s’il soutient les islamistes, il doit oublier l’Europe.

Le gouvernement actuel est donc, selon vous, responsable de la situation ?

- Sa position n’est pas claire. Le premier ministre dit une chose, le ministre des Affaires étrangères une autre... On fait plus volontiers pression sur un pays qui semble prêt à faire des concessions. Et je n’ai jamais cru qu’il voulait faire de ce pays un pays européen. Prenez la laïcité : il a renforcé partout l’importance de la religion, dans l’éducation, dans l’administration, dans l’économie. Et bizarrement, l’Europe, qui nous reproche de ne pas donner assez de liberté aux minorités religieuses ne parle jamais de la menace que représentent les forces antiséculières.

Ces forces risquent-elles de l’emporter définitivement ?

- Je suis optimiste. Ce gouvernement est en train de perdre la confiance de la population. Chaque jour qui passe éloigne les islamistes du pouvoir. Ils essaient de se maintenir avec l’appui du capital islamiste, avec les hommes d’affaires et les médias qui espèrent obtenir des concessions en les appuyant. Mais nous avons de bonnes chances de remporter les élections de novembre 2007.

Que ferez-vous dans ce cas là ?

- Nous ferons de ce pays un vrai pays européen sur les plans juridique et politique, ce qui correspond à nos valeurs. L’acquis communautaire ne présente pas de difficultés pour nous. Il sera plus difficile d’aplanir les inégalités régionales et surtout de diminuer la part de l’économie parallèle. Cette part est beaucoup trop grande en Turquie, ce qui se traduit notamment par une importante perte fiscale. Et puis nous discuterons franchement avec l’UE, nous lui dirons que nous sommes là pour empêcher l’islamisation du pays. Et si l’UE ne veut toujours pas de nous, eh bien, la Turquie trouvera son chemin.

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E
prions pour qu' elle le trouve, ce chemin ! et  qu 'elle nous laisse en paix !
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