L’entrée de la Turquie en Europe est fortement compromise

Publié le par Famagouste

Le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne est miné par son absurdité, et le refus des peuples français et néerlandais, exprimé dans les référendums de 2005. La tension monte. Ankara a demandé le retrait de la proposition de loi du PS français visant à rendre illégale toute négation du génocide arménien : « Les investissements accumulés au fil des années seront anéantis en une seule séance parlementaire. La France va en quelque sorte perdre la Turquie », a menacé Namik Tan, porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc. Début octobre, Jacques Chirac, en visite en Arménie, a exaspéré Ankara en l’exhortant à reconnaître le génocide arménien.

Fin septembre, le Parlement européen a approuvé massivement un rapport, très critique, demandant à la Turquie de reconnaître ce génocide. Et lui rappelant que son non-respect du protocole d’Ankara, qui étend son union douanière avec l’UE aux dix États membres intégrés en 2004 – dont la partie grecque de Chypre – pourrait « arrêter » le processus de négociation. Ankara refuse de reconnaître l’État chypriote grec, tant que les sanctions économiques internationales frappant l’entité turque du nord de Chypre – reconnue seulement par la Turquie – ne seront pas levées. La Turquie prétend entrer dans l’UE sans admettre l’existence de l’un de ses États membres, fermant son territoire aux navires et avions de cet État !

Le rapport invitait aussi la Turquie à respecter les droits de l’homme, la liberté d’expression et de religion, et à substituer une « solution démocratique » à la violence, concernant sa minorité kurde. La Commission a repoussé jusqu’au 8 novembre, la publication d’une évaluation des réformes économiques et politiques turques, invitant Ankara à progresser d’ici là.

Le patron de l’armée, le général Yasar Büyûkanit, kémaliste pur et dur, a récemment mis en garde contre l’islamisation de la Turquie, donc le sabotage de la laïcité par le gouvernement Erdogan. Ce dernier a misé sur le processus d’adhésion, dont les réformes démocratiques qu’il impose sapent la toute-puissance de l’armée turque, gardienne de la laïcité. Erdogan compte instaurer une république islamique, une fois levé l’obstacle militaire. Mais le grippage du processus d’adhésion contrarie ce projet. L’armée pourrait renverser le gouvernement par un coup d’État – ce ne serait pas le premier à son actif – et mettre fin au processus d’adhésion, fatal à ses prérogatives, et au kémalisme.

Rouxel Jean - mercredi 11 octobre 2006

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