Ankara met la France en garde à propos du génocide arménien

Publié le par Famagouste

La Turquie a prévenu la France que l'adoption d'une proposition de loi sanctionnant la négation du génocide arménien aurait des conséquences "irréparables" sur leurs relations bilatérales.

Deux propositions de loi, socialiste et UMP, ont été déposées le mois dernier à l'Assemblée nationale avec pour but d'interdire la négation du génocide arménien.

Le texte déposé par le PS s'inspire de la loi Gayssot de 1992 applicable jusqu'à présent à la Shoah et demande des peines de cinq ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende pour les personnes qui nient le génocide arménien. Elle devrait être examinée le 18 mai.

Le député UMP Eric Raoult a déposé une proposition de loi similaire.

La France a adopté en 2001 une loi reconnaissant la réalité du génocide arménien.

De 1915 à 1917, les massacres et déportations d'Arméniens sous l'Empire ottoman ont fait 1,5 million de morts, selon les Arméniens, entre 300.000 et 500.000 selon Ankara.

Les autorités turques rejettent par ailleurs la qualification de génocide et considèrent qu'il s'agit du bilan de combats partisans qui ont été encore plus meurtriers pour les Turcs musulmans.

Un certain nombre de pays se sont dotés de législations reconnaissant le génocide arménien, mais les deux propositions de loi, si elles sont adoptées, placeront la France un cran au-dessus.

"DOMMAGES IRRÉPARABLES"

"Notre sensibilité à cette question est relayée à tous les niveaux aux autorités françaises", a déclaré le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères lors de son point de presse hebdomadaire.

"Restreindre la liberté d'expression dans un pays comme la France, un pays au passé démocratique fort, ne s'accorde pas avec le concept de démocratie", a ajouté Namik Tan. "L'adoption de ces propositions de loi provoqueraient des dommages irréparables dans les relations turco-françaises (...) et nous insistons pour que cela ne se produise pas."

Le diplomate n'a pas voulu s'avancer sur le type de mesures que les autorités turques seraient amenées à prendre si ces textes sont adoptés, mais il a ajouté que la France, elle-même sensible à son propre passé colonial, devait éviter le "deux poids, deux mesures" dans sa lecture de l'Histoire.

La France abrite la plus importante communauté arménienne en Europe avec 400.000 personnes environ. Pour les médias turcs, le dépôt de ces propositions de loi s'explique par la volonté de gagner ces "voix arméniennes" lors de la présidentielle 2007.

La question arménienne, ultrasensible en Turquie, figure aussi parmi les obstacles à l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, dont les négociations ont été lancées en octobre dernier.

Une résolution non contraignante votée par le Parlement européen demande à la Turquie de reconnaître la réalité du génocide arménien avant de prétendre entrer dans le bloc communautaire.

Libération - 3 Mai 2006

Publié dans avant.garde

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