La Grèce s’impatiente des lenteurs des reformes en Turquie et… botte en touche sur la question chypriote

Publié le par Famagouste

« La politique paradoxale de non-reconnaissance d'un Etat membre de l'UE [Chypre] par un candidat à l'adhésion [Turquie] ne peut durer indéfiniment » a entonné le Premier ministre grec, Costas Caramanlis, mercredi, à quelques jours de l’examen des progrès des reformes demandées à la Turquie par l’UE et alors que le ministre des Affaires étrangères, Dora Bakoyannis, s’efforçait à expliquer que la Grèce n’avait jamais été conviée à participer à la rencontre informelle, souhaitée par la présidence finlandaise de l’UE au sujet du règlement de commerce avec la partie turco-chypriote. Ce qui n’a pas empêché la Turquie d'opposer son veto au statut d'observateur pour Chypre à l’Organisation pour la Coopération économique de la mer Noire, contrevenant ainsi à l'art. 7 du Cadre de négociations Turquie-UE.

Mme Bakoyannis a insisté encore qu’Athènes n’avait aucune raison d’y participer. « Par conséquent, la Grèce n'a ni été invitée, ni d'ailleurs la question ne s'est jamais posée », a-t-elle ajouté.

« La Grèce n’a jamais été invitée à cette rencontre informelle. D’ailleurs, il n’y avait aucune raison à cela. Si la Grèce allait participer à une discussion sur le règlement de commerce UE - communauté turco-chypriote, elle le ferait, comme cela est prévu par les procédures de l’UE, au sein des organes compétents, conjointement avec les autres Etats-membres », a souligné Mme Bakoyannis, interrogé par la presse à ce sujet à l’issue d’une séance parlementaire jeudi consacrée à la politique étrangère.

« L'effort entrepris par la présidence finlandaise est centré sur le règlement de la question en suspens du règlement commercial entre l'UE et la communauté turco-chypriote, à savoir sur une question relevant de la compétence exclusive de l'UE. L'initiative entreprise par la présidence finlandaise pour la convocation d'une rencontre informelle Commission européenne, République chypriote, Turquie, avec la participation de la communauté turco-chypriote, avait pour but d'aider à un échange substantiel de vues entre les parties directement impliquées », a expliqué plus en détail Mme Bakoyannis, pour encore attribuer cette invitation de la présidence, adressée à la Turquie, à la présence de troupes turques (à Chypre) qui devraient être déplacées de certaines régions précises afin de faciliter le commerce entre l'UE et les Turco-chypriotes.

Toutefois, Mme Bakoyannis, a eu mardi soir une conversation téléphonique avec son homologue finlandais, Erkki Tuomioja.

Chypre, de son côté, souhaitait que la réunion ait lieu avant le 8 novembre, date à laquelle la Commission européenne doit rendre public son rapport de suivi sur les progrès de la Turquie.

Entre temps le ministre finlandais des Affaires étrangères avait annoncé qu’il n’avait pas été possible d’arranger une rencontre entre la présidence finlandaise et toutes les parties concernées avant le prochain rapport de suivi de la Commission européenne sur la Turquie, qui sera connu le 8 novembre.

La veille, le porte-parole du ministre des Affaires étrangères, M. Koumoutsakos laissait entendre que « si la Turquie continue, sur la base de ses prises de position publiques à ce jour, à refuser d'appliquer l'extension du Protocole d'Union douanière à tous les Etats membres de l'UE, il est évident que cette attitude sera prise en compte. Les Etats membres prendront leurs décisions sur la base des textes convenus qui existent déjà, lesquels prévoient des conséquences en cas de refus (de la Turquie) de se conformer à cette obligation. »

Obligation que le Premier ministre M. Caramanlis rappelait devant le Parlement grec lors du débat extraordinaire sur la politique étrangère, au niveau des chefs de parti, en déplorant d'emblée que « la politique paradoxale de non-reconnaissance d'un Etat membre (de l'UE) par un candidat à l'adhésion ne peut durer indéfiniment » et adressant à ce point le message à Ankara que « le rythme tout comme le résultat final de sa marche européenne » dépend seulement d'elle-même.

M. Caramanlis a rappelé que « l'ouverture des ses [de la Turquie] ports et aéroports aux navires et aux avions chypriotes constitue une obligation formelle contractée par la Turquie vis-à-vis de l'UE et de l'ensemble de ses membres », et souligné que « cette obligation est totalement indépendante et ne peut être liée à d'autres questions qui relèvent du fonctionnement interne de la Communauté », précisant que la Grèce soutient les efforts de la présidence finlandaise sur ce thème, « partageant l'approche de la République chypriote afin d'atteindre le meilleur résultat possible. »

La question à laquelle doit répondre l'UE étant de savoir si « la Turquie dans la première phase du processus d'adhésion répond aux obligations sur lesquelles elle s'est engagée », M. Caramanlis a certes reconnu que des reformes avaient été mises en place, mais observé que « jusqu'a maintenant, le comportement de la Turquie n'est pas à la hauteur de ses obligations » et que « les efforts d'amélioration de la situation en matière de respect des libertés religieuses et des droits des minorités ne sont malheureusement restés que des tentatives, le règlement des problèmes concernant le Patriarcat œcuménique, la Faculté de Théologie de Halki, les fondations et les biens des minorités demeure au titre des obligations. »

Le chef de l’opposition socialiste et président du PASOK, Georgios Papandréou, qui n’a toujours pas digéré que les accords d’Helsinki qu’il avait signé lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, a accusé lors du débat parlementaire extraordinaire, le premier ministre de gaspiller « le capital de crédibilité » de la Grèce et de faire preuve d'inertie quant à la question chypriote, demandant au chef du gouvernement de prendre immédiatement des initiatives dans les relations entre la Turquie et l'UE.

M. Papandréou a ensuite évoqué la marche européenne de la Turquie, pour avertir que « le soutien à la marche européenne de la Turquie ne constitue pas un chèque en blanc, la Grèce doit être à l'avant-garde en matière d'élargissement, mais doit aussi avoir le courage de dire non » et, s'adressant au premier ministre, a demandé « où est votre réelle participation aux efforts de la République chypriote ? quelle est votre position vis-à-vis des propositions de la présidence finlandaise ? vis-à-vis de… Guantanamo ? »

C’est dans ce climat que le chef des forces armées turques, le général Yasar Buyukanit, arrivé mercredi à Athènes, entame une visite en Grèce sur invitation du chef de l'état-major de la défense nationale, l'amiral Panagiotis Hinofotis lequel s’était déjà rendu en Turquie en juillet dernier. La diminution de la tension dans les relations greco-turques et l'instauration d'un climat de confiance entre les deux pays, mais également la sécurité régionale, ont été au centre des entretiens des deux chefs des forces armées.

Par ailleurs, l'état-major des forces armées grecques a annoncé mercredi un exercice greco-turc destiné à faire face aux catastrophes naturelles, qui aura lieu en Turquie du 6 au 10 novembre.

 

Sur le plan économique aussi, 26 entrepreneurs turcs de la Chambre de Denizli devraient arriver ce jeudi à Thessalonique à la recherche de partenariats avec des entrepreneurs du Nord de la Grèce.

La Turquie s'oppose au statut d'observateur à la CEMN pour Chypre

Mardi soir à Moscou et jusqu'à 3h du matin, quelques heures avant la session des ministres des Affaires étrangères de la Coopération économique de la mer Noire (CEMN), où la Grèce est représentée par le secrétaire d'Etat, Evripidis Stylianidis, la séance ratifiant le statut d'observateurs à cinq pays, dont Chypre, a été marquée par un incident politique, la Turquie bloquant par son vote l'admission de Chypre, la partie grecque réagissant en s'opposant à tous les autres candidats, à savoir la Grande-Bretagne, la Lituanie, le Kazakhstan et le Monténégro.

« Nous considérons qu'il est impossible d'écarter Chypre d'un organisme international, un acte contrevenant à l'art. 7 du Cadre de négociations Turquie-UE, selon lequel le pays voisin (cf. la Turquie) a l'obligation de ne pas opposer d'obstacles aux Etats-membres pour leur participation é un organisme international », a déclaré M. Stylianidis, dénonçant une « discrimination à l'égard d'un Etat-membre de l'UE. »

 

La partie turque a refusé de préciser les raisons - comme le demandait la Grèce - pour lesquelles elle votait contre Chypre, et Chypre uniquement, et faute d'unanimité, la question de l'octroi du statut d'observateurs aux cinq pays en question n'a pas été posée à la table des discussions de la réunion ministérielle de la CEMN.

Chypre frappe pour la 3e fois à la porte de l'organisme, alors qu'à l'heure actuelle plus de 10 Etats se sont vus reconnaître le statut d'observateur accordé pour 2 ans, dont les Etats-Unis et l'Allemagne.

Invité à répondre aux questions des journalistes grecs, le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül, n'a pas souhaité commenter l'incident, se référant toutefois à sa prochaine visite à Athènes et disant apprécier le soutien grec à l'optique européenne de son pays.

L’incident n’a pas pour autant empêché le déroulement des travaux du CEMN aboutissant à deux mémorandums, l'un concernant le vaste réseau routier autour de la mer Noire dit… "La Route des Argonautes", l'autre la liaison des ports de la mer Noire avec ceux de l'Egée, qui devaient être signés lors de la session à Moscou mercredi clôturant le semestre de la présidence russe.

Info-Grèce - 3 Novembre 2006

Publié dans Dans la presse

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