La fête: sacrifice scandaleux des animaux en Turquie

Publié le par Famagouste

Les bêlements se mêlent aux cris de gens qui pataugent dans la boue et le sang pour sacrifier leurs animaux dans le plus grand désordre: au premier jour de la fête de sacrifice dans la plus grande métropole turque, malgré les mises en garde contre une propagation du virus de la grippe aviaire, le rituel musulman se fait dans l'insalubrité.

Dans plusieurs districts d'Istanbul, peuplé de quelque 12 millions de personnes, des habitants --beaucoup moins nombreux cependant que les années précédentes-- ont envahi les terrains vagues et les parcs pour égorger moutons et taureaux dans la boue.

A Dolapdere, un quartier populaire du rivage européen de la ville traversée par le Bosphore, les gens dépècent tranquillement leurs animaux sur la chaussée, faisant fi des conditions d'hygiène et des fortes amendes dont ils pourraient être frappés.

Pourtant, à moins d'un kilomètre de là, les autorités municipales ont installé de grandes tentes pour que les fidèles puissent faire sacrifier leurs animaux par des bouchers agréés.

Mais sur ce site, en plein centre d'Istanbul, un véritable chaos règne entre les propriétaires d'animaux qui attendent depuis des heures le sacrifice.

"C'est un scandale, ce qui est fait aujourd'hui ici n'a rien à voir avec l'islam. C'est primitif", lance Ahmet Agaoglu. Ce commerçant de 45 ans attend depuis plus de trois heures sous une fine pluie pour accomplir son devoir de bon musulman.

Les animaux sont égorgés sur une sorte d'estrade, mais leur sang se mêle à la boue qui a envahi les lieux. Il est impossible d'y faire assurer l'ordre, ni de faire respecter l'hygiène.

Pourtant, le ministère de la santé faisait passer mardi sur les télévisions des spots publictaires exhortant la population à respecter strictement les précautions d'hygiène lors du rituel, afin d'endiguer la propagation de la grippe aviaire.

Les experts craignent en effet qu'ovins ou bovins, bien qu'ils ne soient pas concernés par l'épizootie, transportent sur leur peau ou leurs pattes le virus des volailles infectées dont ils partagent souvent l'enclos.

Des mesures renforcées ont été prises dans trois quartiers situés à la lisière d'Istanbul --Esenler, Gaziosmanpasa et Küçükçekmece--, après la découverte d'oiseaux contaminés. Les volailles et oeufs y sont interdits de vente, et des points de contrôle ont été mis en place aux différents accès aux quartiers.

"Evidemment, je suis inquiet", explique Ali, un capitaine de haute mer de 30 ans qui préfère taire son nom de famille.

Ali s'en prend à plusieurs de ses amis qui lui ont dit que "rien ne peut arriver aux Turcs, c'est dieu qui nous protège". Avouant être "ébahi" par ce raisonnement, Ali estime que si le virus se transmettait entre les humains, il ferait des ravages dans le pays.

Une certaine psychose de la maladie semble avoir gagné la ville, où de nombreuses personnes se sont rendus dans des hôpitaux pour faire des test, très souvent pour une simple grippe.

"J'ai amené ma femme affolée chez le médecin. Il s'est avéré qu'elle avait la grippe, la grippe normale", explique Mesut Demirkan, un chauffeur de taxi de 47 ans.

A Dogubeyazit, petite ville de l'est de la Turquie où vivaient les deux adoslescents décédés de la grippe aviaire, les habitants ont, comme de coutume, égorgé leurs moutons dans la cour de leurs fermes.

"J'ai égorgé mon mouton dans la cour, et après je l'ai dépecé là", a expliqué à l'AFP l'éleveur d'ovins Sait Uruç en désignant une remise tapissée de déjections animales, où un vétérinaire en combinaison blanche de protection vient d'attraper un poulet et où la viande du sacrifice est encore suspendue au plafond.

"De toute façon, il n'y a pas d'autre endroit à Dogubeyazit pour sacrifier les animaux", a-t-il ajouté. Certains de ses voisins ont indiqué que, par précaution, ils avaient enfermé leurs volailles à l'écart de la place réservée à la cérémonie du sacrifice.

"On a bien pensé à ne pas égorger le mouton cette année, mais on l'a fait quand même parce qu'on est obligés, sinon c'est un pêché", a commenté Süleyman Demirbas, saisonnier agricole.

AFP - 10 janvier 2006

Publié dans Dans la presse

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